L’UDC vaudoise, toujours aux mains des paysans

L’association « moutons de garde » est une initiative citoyenne créée en réaction aux dérapages de la campagne électorale suisse de cet automne 2007.

Le blochérisme a été digéré avec une placidité de ruminant. Le parti enverra à Berne une députation entièrement agricole.

L’ingénieur agronome Pierre-François Veillon et les quatre paysans (parfois aussi vignerons) Guy Parmelin, André Bugnon, Jean-Pierre Grin et Alice Glauser. Auquel s’ajoutera le tout aussi terrien Jean-Luc Chollet, si Guy Parmelin est transplanté au Conseil des Etats. En douze ans, l’UDC vaudoise a réussi l’exploit de tripler ses électeurs (de 7,7% à 22,4% des suffrages exprimés) sans rien changer au caractère de ses élus. Sa délégation à Berne sera entièrement campagnarde.


Monoculture

Il y a plus. Dans un canton où le secteur primaire ne représente plus que 5,6% des emplois, ces terriens occuperont, selon la victoire ou l’échec du candidat aux Etats, entre 27,7% et 30% des sièges. Etonnant et impressionnant exemple de surreprésentation, désormais monoculture d’un seul parti, puisque le dernier libéral de cette sorte-là, Serge Beck, a pris une veste. On ne saurait mieux montrer à quel point la droite traditionnelle a perdu l’arrière-pays.

Mais comment expliquer cette hégémonie fermière? «Par une alchimie réussie», répond le politologue Oskar Mazzoleni, enseignant aux Universités de Lausanne et de Genève et coauteur d’un récent ouvrage sur l’UDC. Il le rappelle: «Le succès d’une expansion partisane tient à la satisfaction d’attentes hétérogènes.» Dans cette optique, l’UDC vaudoise s’est sans difficulté adaptée aux mots d’ordre blochériens, tout en conservant son leadership paysan. Sur bien des points, elle était un sillon tout labouré. Conservatisme terrien, méfiance envers l’étranger ou vieux fonds antigauche, le terreau était prêt pour les graines zurichoises.

«Les électeurs urbains votent le programme suisse sans souci de la provenance spécifique des candidats, mais parmi ces derniers, ceux qui viennent de la terre profitent sans doute de leur ancrage particulier», estime aussi Oskar Mazzoleni. Ce qui se vérifie à l’analyse du scrutin. Au départ, les campagnards ne sont même pas majoritaires sur la liste UDC: huit sur dix-huit en comptant Pierre-François Veillon. Mais à l’arrivée, celui qui a récolté le moins de suffrages est au 10e rang.

Vote agricole

Des candidats à la campagne aussi discrète qu’Alice Glauser ou Jean-Luc Chollet se retrouvent devant le suractif Eric Bonjour (économiste) ou le président vaudois Gérald Nicod (ingénieur). Ils sont moins tracés que leurs colistiers sur les bulletins UDC et davantage ajoutés sur les autres. Sur les listes sans dénomination, il y a 500 suffrages de différence entre un Jean-Luc Chollet et son suivant, Eric Bonjour. A l’inverse, un Serge Beck libéral reçoit plus de 2000 suffrages UDC, parmi lesquels à coup sûr de nombreuses voix de la terre. Il y a un vote agricole persistant.

«A l’UDC-Vaud, c’est aux urbains de se faire connaître, pas l’inverse», admet d’ailleurs le président Gérald Nicod. Et la notoriété s’acquiert en courant les campagnes et en utilisant les réseaux Prométerre. Il le sait, les candidats de cette mouvance-là font la différence dans l’arrière-pays. «Cela change, il y a une évolution, je suis par exemple le premier président non issu du monde rural, mais cela prendra du temps.» «Je ne suis pas du tout surpris, et je suis content de mon score, dit de son côté Eric Bonjour. Nos candidats paysans sont aussi ceux qui ont le plus d’expérience politique, qui ont été municipaux, syndics, députés durant longtemps.» Et désormais conseillers nationaux.

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